Tous les matins du monde
Immédiatement, Monsieur de Sainte Colombe met le doigt sur le point faible de Marin, le souci d'être apprécié pour ses créations : "Monsieur, vous n'avez pas mal joué. Vous connaissez la position du corps. Votre jeu ne manque pas de sentiments. Votre archet bondit, votre main gauche saute comme un écureuil, elle file comme une anguille sur les cordes, vos ornements sont ingénieux et parfois charmants, mais je n'ai pas entendu de musique. Vous pourrez aider les gens qui dansent, vous pourrez accompagner les acteurs qui chantent sur scène. Ce que vous écrirez plaira, n'épouvantera jamais. Vous gagnerez votre vie et votre vie sera entourée de musique, mais vous ne serez pas musicien."
Aussi quand Marin joue devant le roi, Sainte Colombe brise et piétine sa viole, puis en lui donnant une bourse pour le rembourser, il répète la leçon : "Monsieur, qu'est-ce qu'un instrument ? Un instrument n'est pas la musique. Vous avez là de quoi vous acheter un cheval de cirque pour pirouetter devant le roi. […] Vous êtes un très grand bateleur. Les assiettes volent au-dessus de votre tête et jamais vous ne perdez l'équilibre, mais vous êtes un petit musicien. Vous devriez jouez à Versailles, c'est-à-dire sur le Pont Neuf et on vous jetterait des pièces pour boire."
Même à la fin, quand Sainte Colombe sur le point de mourir lui confie ses œuvres, Marin Marais essayant de définir la justification de la musique ne peut