Deuxième type de femme représenté à la maison Tellier – la brune –, « Raphaëlle, une Marseillaise, roulure des ports de mer, jouait le rôle indispensable de la belle Juive. » Elle vient de loin : à la fin du XIXe siècle, on sortait rarement de son canton quand on était un provincial normand ; une Marseillaise devait représenter pour nombre de clients le comble de l’exotisme. Pourtant, Raphaëlle n’a rien pour exciter l’imagination : elle est « maigre avec des pommettes saillantes plâtrées de rouge. Ses cheveux noirs, lustrés à la moelle de bœuf, formaient des crochets sur ses tempes. Ses yeux eussent paru beaux si le droit n’avait pas été marqué d’une raie. Son nez arqué tombait sur une mâchoire accentuée où deux dents neuves, en haut, faisaient tache à côté de celles du bas qui avaient pris en vieillissant une teinte foncée comme les bois anciens. » Maupassant décrit ici une femme plus que laide, presque repoussante. Son visage est ingrat, les années l’ont usée – elle a même perdu un œil, ou presque, et des dents : le lecteur peut imaginer que c’est là le résultat de violences su
La Maison Tellier
par Guy de Maupassant